Rencontre

Besiktas - Istanbulspor

Besiktas - Istanbulspor

Êtes-vous déjà tombé amoureux d’un club en groundhopping ? En mars 2019, j’ai pris de plein fouet la découverte de la ville d’Istanbul et l’expérience d’un match de Besiktas.

Besiktas - Goztepe (Istanbul, Partie 2/2) • OStadium.com

Ce genre d’expérience, tout à fait subjective et heureuse, qui marque une vie de groundhopper. Je n’avais pas choisi de voir un match de Besiktas. C’est le calendrier et la programmation qui avait fait ce choix pour moi. Puis les recommandations de Bastien sur le meilleur emplacement en tribune. Cependant, on ne peut limiter ça au hasard puisque cet amour distant aurait pu tout aussi bien se porter sur le match du Fenerbahçe la veille. Mais le club de la côte asiatique avait surtout mis au défi mes tympans.

Fenerbahçe - Sivasspor (Istanbul, Partie 1/2) • OStadium.com

Le temps faisant son œuvre, avec du groundhopping régulier en Europe me faisant passer d’une relation amicale de club/stade à un(e) autre, je me retrouve seulement 4 ans plus tard pour un week-end à Istanbul (au hasard, sur le même week-end qu’en 2019). Pour ma défense, la crise sanitaire du Covid-19 m’avait contraint à annuler un voyage en 2021.

Séisme en Turquie

Cette fois-ci, l’organisation du voyage m’a confronté à un aléa différent, un drame national d’une ampleur sanitaire tout aussi grave : le séisme faisant plus de 45 000 morts à la frontière entre la Turquie et la Syrie. Cela n’a pas manqué non plus de fragiliser la situation politique du pays, donnant des raisons supplémentaires de remettre en cause la gouvernance d’Erdogan. Les conséquences du séisme, catastrophe naturelle de prime abord, étaient partiellement évitables :

Il apparaît de plus en plus clair que la corruption et le non-respect des normes de construction par certains promoteurs turcs y sont pour beaucoup dans l’ampleur des dégât (Libération).

Contestations, sanctions et menaces

Le championnat avait ainsi été arrêté. Il a repris quelques semaines avant notre arrivée, non sans mal, avec une reprogrammation complète du calendrier de la saison. Par les chants de supporters, les tribunes ont servi d’outils de contestation contre le pouvoir, en appelant à la démission du Gouvernement.

Séisme en Turquie: Des supporters de foot appellent à la démission du gouvernement (20minutes.fr)

Des mouvements de contestation spontanés qui n’ont rien d’une première en Turquie, et qui font peur à l’Etat. En 2013, un mouvement démocratique et protestataire contre le gouvernement d’Erdogan au parc Gezi et dans le quartier de Taksim allait déjà réunir les ultras d’Istanbul. Ce mouvement est documenté dans ISTANBUL UNITED.

Dès lors, les sanctions et menaces ont commencé à tomber contre les supporters avec des interdictions de déplacement (notamment contestés par le Fenerbahçe), des secteurs “fermés” dans les tribunes (au Vodafone Park, on en reparle plus tard) ainsi que les encouragements/menaces de certains politiciens pour que les matchs se disputent à huis clos.

Nouvelle programmation

On était donc en plein doute. Avant ça, la programmation initiale nous donnait potentiellement un match du Fenerbahçe et de Galatasaray finalement remplacés par Besiktas. Habituellement je m’entête à vouloir faire des stades différents (c’est un peu le concept) et j’éprouve très peu d’intérêt à refaire un stade. Mais vous l’aurez compris dans mon introduction, c’est différent avec Besiktas. J’étais très heureux de le refaire. Et si une troisième fois devait se présenter, j'aimerais autant refaire un match du Besiktas qu’un match de Galatasaray. C’est comme ça. J’y suis lié par le chant du Bloc 415 (à lire et écouter dans mon CR de 2019).

La billetterie

Cette fois-ci, à mon grand désespoir, pas de Bloc 415. De mémoire, j’avais beaucoup moins de choix qu’en 2019 sur la billetterie. J’ai même dû prendre une carte Passolig Besiktas par précaution. Le match précédant le mien, la vente n’était en effet pas ouverte au grand public.

Guide : la billetterie en Turquie • OStadium.com

Plus haut, je parlais des sanctions à l’encontre des supporters. Le Besiktas n’y a pas échappé. En cause, des chants de supporters. Si la teneur de ces chants n’était pas précisée dans le détail de la sanction (en tout cas sur Passo), il est facile de présumer que c’était ceux souhaitant la démission du Gouvernement.

Selon la décision prise par la Commission de Discipline du Football Professionnel de la TFF ; Beşiktaş A.Ş., joué le 05.03.2023. - Lors de l'accueil de MKE Ankaragücü, il a été décidé d'empêcher les spectateurs des blocs Spor Toto North Lower Tribune 108, North Upper Tribune 408, South Lower Tribune 121,123 et South Upper Tribune 423 d'entrer dans le match où se trouve le prochain club hôte.

Une mauvaise surprise pour nous. Fallait-il s’attendre à une ambiance édulcorée ? Réponse plus bas.

Le stade

Le Vodafone Park est excellemment bien situé, et s’harmonise parfaitement avec le programme touristique sur un week-end. Dès notre arrivée sur Taksim, on y est passé pour récupérer notre Passolig avant notre visite du palais de Dolmabahçe. C’est plus pratique qu’en avant-match, le stade étant compartimenté par la police avec différents contrôles.

Pour ne rien gâcher, et c’est un peu lié, le stade et son environnement sont beaux. Malheureusement notre week-end était pluvieux et ne rendait pas autant justice à sa proximité avec le Bosphore.

Le quartier de Besiktas

J’en avais gardé sous le coude en 2019 puisque je n’avais même pas mis les pieds dans le quartier de Besiktas, une petite dizaine de minutes à pied après le stade. Ce coup-ci on m’avait recommandé d’y faire un tour le jour du match. On y est donc passé en vitesse entre le match de Kasimpasa et de Besiktas pour prendre la température, avant d’y retourner le lendemain. Les supporters commençaient déjà à quitter le quartier en direction du stade à notre arrivée. On a quand même eu les preuves d’un quartier très animé un jour de match. Les bars et restaurants étaient remplis de monde. Et sur une place du quartier, ça s'ambiance sur des chants du Besiktas.

Pas déçu, mais déçu d’y avoir passé encore trop peu de temps. C’est pourquoi on y est retourné le lendemain. L’intérêt du quartier dépasse le cadre du football. Le lieu semble propice aux soirées, à manger, boire, s’amuser. Un quartier toujours animé, très agréable, à l’abri du tourisme de groupe. Il ne faut pas hésiter à faire le détour un soir, même hors jour de match ça vaut la peine si vous avez du temps sur votre séjour.

L’atmosphère

Après cette petite prise de température dans le quartier, retour au stade avec la bonne surprise de voir chacun des blocs se remplir. Le taux de remplissage sera suffisamment élevé pour donner l’impression d’un stade “complet”, à l’exception du parcage visiteur tristement vide (une dizaine de supporters d’Istanbulspor). J’ai donc rien compris aux sanctions. Concernaient t-elles uniquement des supporters, permettant de remettre en vente les places (que je n’ai jamais vu disponible sur Passo) ? Même cette version, je n’y crois pas trop car chacune des tribunes étaient animées/organisées. On semblait clairement être dans un contexte normal.

Première chose à savoir : en Turquie ça fonctionne différemment de tout ce que j’ai pu voir en Europe. Les tribunes ne sont pas représentées et animées par un ou plusieurs groupes “identifiables”, avec une bâche de groupe, des drapeaux, et parfois de la pyrotechnie. En d’autres mots : ce n’est pas le pays pour voir un spectacle visuel dans les tribunes ou vous exercer à la photographie. Ou à la limite seulement si vous considérez que le jet de projectiles fait partie du spectacle et des animations (pas le cas sur ce match).

En regardant de près, on voit bien un ou plusieurs capos et des tambours dans les tribunes. Mais toujours avec ce sentiment différent et unique : ici c’est exclusivement la voix qui porte l’équipe. En Turquie, qu’importe la tribune, les fans sont prêts à gueuler. Peut-être ici mieux qu’ailleurs puisque le Besiktas Park détient le record de décibels enregistrés dans le football européen (141 dB).

On fera le constat par nous-même pendant tout le match, ne faisant que confirmer ce que j’avais déjà observé en 2019 : les supporters prennent un soin particulier à s’organiser pour chanter ensemble. On regarde une tribune, on fait des grands gestes pour la prévenir qu’on s’apprête à lancer un chant au prochain silence, et c’est parti. Tour à tour, les 4 tribunes se répondent par des grosses gueulantes. Vous avez peut-être déjà vu ça ailleurs. Mais c’est peu probable que vous l’ayez vu avec cette régularité : c’est leur credo du début à la fin du match, dans un bruit impressionnant. C’est leur manière de supporter. C’est toujours une expérience à part.

Malheureusement on n’a pas entendu, de ma position en tout cas, le chant que j’aimais tant (cf. Besiktas - Goztepe). Il faut que j’y retourne jusqu’à l’entendre à nouveau ! On a eu celui-ci lorsque les tribunes se répondent :

Yağmurlu bir günde görmüştüm seni.
Je t’ai vu un jour de pluie.

Üstünde çubuklu formalar vardı.
Tu avais un maillot rayé sur toi.

O anda tutuldum aşık oldum ben.
En un instant je suis tombé amoureux.

Hayatın anlamı siyah beyazdı.
Le sens de la vie était noir et blanc.

Ölümle yaşamı ayıran çizgi
La ligne qui sépare la vie et la mort

Siyahla beyazı ayıramaz ki...
Ne peut pas séparer le noir et le blanc…

Her yolun sonunda ölüm olsa da
Si tous les chemins mènent à la mort

Sevenleri kimse ayıramaz ki…
Personne ne peut séparer ceux qui s’aiment…

Le match

Le match n’a pas manqué de temps forts dans cette victoire 3-1. Les 2 derniers buts de Besiktas sont des exploits individuels qui finissent par des frappes de l’extérieur de la surface, dont celui d’Aboubakar que j’ai filmé. On a également une incroyable reprise de volée sur la barre d’un joueur d’Istanbulspor. Et quelques d’autres bons moments à revoir dans ce résumé :

La ville

On avait notre dimanche pour visiter Istanbul. Dans ma conscience, Istanbul est devenue ma ville préférée. J’étais curieux d’y revenir et de voir si mes souvenirs avaient altéré la réalité. La complication sur ce week-end étant de faire abstraction de la météo pluvieuse en continu dans le jugement. Par exemple, les chats seront-ils de sortie par ce temps ? Je vous invite (encore) à lire le précédent CR pour comprendre l’importance de cet animal de compagnie dans leur culture. Istanbul et les chats sont indissociables.

J’adore cette atmosphère des rues d’Istanbul, surtout les rues moins touristiques, où les chats font partie intégrante de la société. Et un peu les chiens. La visite de la ville suscite une curiosité permanente.

On rencontre des chats qui squattent en bande la terrasse d’un magasin de souvenirs à côté de l’Église des Saints-Serge-et-Bacchus. On rentre dans un bar et un chien occupe l’un des canapés. Etc. Je garde un plaisir intact des “promenades” à Istanbul, quelque soit les quartiers, des marchés aux épices, etc.

Refaire le Palais de Dolmabahçe m’aura laissé un moins bon souvenir. A 20€ la visite, la seule chose chère à Istanbul, on l’a faite en moins d’une heure sans se presser mais sans guide. Expéditif. Je me demande si la visite était aussi complète qu’en 2019. Comme ça, je ne placerais plus ce palais dans mes indispensables à visiter au contraire des mosquées, etc. Après, je l’ai vu deux fois…

Parmi les choses que je n'avais pas encore faite, la tour de Galata. Personnellement, je pense qu'en allant à la mosquée Süleymaniye vous aurez un point de vue gratuit presque aussi intéressant. Ou si vous avez le temps et la météo avec vous, un tour du Bosphore. Heureusement, en descendant de la tour de Galata on trouve des informations historiques à chaque étage. De quoi justifier un peu plus le prix du ticket (près de 10€).

<p>La mosquée Taksim sur la place du même nom</p>

La mosquée Taksim sur la place du même nom

<p>Sainte-Sophie</p>

Sainte-Sophie

<p>La tombe du Sultan Ahmet</p>

La tombe du Sultan Ahmet

<p>La mosquée Süleymaniye</p>

La mosquée Süleymaniye

On a également bien profité des spécialités culinaires turques. Les pizzas turques pides (j’adore), les raviolis turcs manti (bien moins fan), les pâtisseries turques baklavas (très bon à petites doses), etc.

L’expérience groundhopping

Ce retour à Istanbul n’a pas déçu. J’y retournais avec une admiration pour la ville et une obsession du Besiktas. L’effet de surprise en moins, j’en repars avec des sentiments similaires. Aussitôt rentré, quand même avec +4h de retard sur notre vol Pegasus suite à un imbroglio lunaire lié aux horaires d’ouvertures de l’aéroport de Lyon (?!?), aussitôt envie de reprogrammer un week-end. Par un meilleur temps, peut-être pour visiter la Citerne Basilique, mais toujours pour un match de Besiktas. L’étape d’après serait un derby. Ou à défaut en combinaison d’un match de Galatasaray.

Point +

Le quartier de Besiktas.
Le stade.
Le bruit.
Les buts.
La ville.
Les chats.
La bouffe.
Le coût de la vie.

Point -

La météo.
Pas entendu "mon" chant.